Dans son discours à la nation prononcée le 26 avril 2013 à l’occasion de la fête de l’indépendance, le Chef de l’Etat a annoncé la tenue prochaine des grandes assises de la santé du Togo. Elles devraient permettre, selon ses termes au « service public de santé de regagner ses lettres de noblesse » au moment où « nos centres hospitaliers sont comparés à des mouroirs, des lieux où le citoyen démuni sombre dans le désespoir ».

Plus d’une décennie après cette promesse du Chef de l’Etat, les assises n’ont jamais vu le jour. Le système de santé est toujours en souffrance, la santé n’est pas une priorité et des situations des plus révoltantes continuent de jalonner le parcours des malades. La création de l’Hôpital Dogta Lafia d’Agoé améliore certes la cartographie sanitaire du pays mais cet hôpital ne saurait à lui seul régler définitivement les nombreux problèmes cruciaux auxquels font face les malades et le personnel de santé. Les drames sanitaires et humains continuent de survenir dans les structures publiques de soins.

Trois exemples pour illustrer l’état de déliquescence de notre système de santé et signifier la nécessité absolue d’une véritable stratégie de rupture :

  • Août 2024 : à Lomé, un jeune homme de 23 ans se brise le cou accidentellement et est paralysé de tous ses membres. Il doit être opéré d’extrême urgence. Il lui faut une intervention neurochirurgicale dans les heures qui suivent le traumatisme pour lui donner une chance de remarcher un jour ou au moins de pouvoir se resservir de ses mains. Hospitalisé dans un CHU de Lomé, faute de moyens il sera opéré après 10 jours d’attente, d’angoisse et de douleurs. L’inaccessibilité aux soins de qualité est un fléau qui obère notre système. Le personnel médical a dû se cotiser pour permettre à ce jeune homme de se faire opérer et d’avoir une chance de vivre dignement.
  • Juin 2024 : un média étranger diffuse un reportage dans lequel, à Lomé, des femmes enceintes font le travail d’accouchement dans des conditions indignes qui heurtent la conscience humaine. Ce reportage provoque l’ire des autorités et le déni d’une situation pourtant cruellement véridique. Nos infrastructures ne répondent plus aux besoins en santé des populations et on peut assister à des situations révoltantes où des femmes enceintes font le difficile et périlleux travail d’accouchement sur des matelas à même le sol. Une situation de déshonneur pour un pays indépendant depuis plus de 60 ans et qui est incapable d’assurer le minimum de service de soins de qualité à son peuple.
  • Dans un hôpital public de référence nationale, en pédiatrie, en réanimation néonatale ou dans le service des prématurés, les nouveau-nés sont entassés dans des berceaux (03 ou 04 bébés par berceau) avec un unique infirmier pour s’occuper de plus de trente ou quarante bébés à la garde. Les risques de maladie et de décès sont énormes pour des nouveau-nés très fragiles. Dans les structures publiques de soins, les ressources humaines sont en sous-effectif chronique dans presque toutes les unités avec des répercussions graves sur la qualité des soins et le pronostic des malades.

Ces trois réalités exposent des contraintes en lien avec l’inaccessibilité financière, les équipements et infrastructures insuffisants, le personnel de santé en sous-effectif dans le secteur de la santé au Togo. Ce sont des situations réelles et non imaginaires, vécues quotidiennement dans les structures publiques de soins et qui durent depuis plusieurs années. Cette réalité n’est pas près de s’améliorer et nécessite donc une vraie rupture : il faut garantir désormais à chaque citoyen un accès à des soins de qualité qui respectent sa dignité d’être humain.

Il faut redonner à notre système de santé ses lettres de noblesse et se pencher sur les problèmes qui sont des entraves à sa performance. Par une démarche participative, il faut prendre en compte les principales préoccupations des acteurs sur le terrain et mettre en exergue les aspirations et attentes des utilisateurs des services de santé.

Ce document comporte des éléments de réflexion sur notre système de santé dans ses trois dimensions à savoir l’éducation (elle concourt à la mise à disposition d’un personnel qualifié et en nombre suffisant ; elle permet aussi d’inculquer les bonnes pratiques en matière de santé), la santé proprement dite (elle doit permettre de rendre disponibles un plateau technique, des infrastructures pour le diagnostic et le traitement) et l’environnement social (la qualité de l’environnement, l’hygiène et la salubrité sont indissociables de la santé). Nous ferons une analyse situationnelle à travers les six piliers de la santé tels que définis par l’OMS avec une identification des problèmes et des propositions en termes de solutions.

 Problèmes identifiésMesures potentiellesActivités
LEADERSHIP ET GOUVERNANCE
Faible décentralisation de la gouvernance des régions et districtRenforcer les capacités d’action et de prise de décisions au niveau districtRenforcement et recyclages en administration des services de santéFaire le point sur les cadres existants
    Insuffisance de collaboration avec le secteur privé    Créer/renouveler les cadres de collaboration entre secteurs public et secteur privéRenouveler /signer des conventions de collaboration entre secteur public et privéComités de discussion avec le secteur privé de la santé  
Formation de plus d’enseignants chercheursCréation d’écoles de formations supplémentaires
RESSOURCES HUMAINES
Insuffisance d’effectifs  Augmenter les capacités des structures de formation du personnel de santé  Evaluer le processus actuel de déploiement des ressources humainesMettre en place un système incitatif pour le personnel de santé dans les zones reculées 
    Déploiement inéquitable et Disparité géographique de la répartition du personnel de santé    Améliorer le processus de déploiement du personnel de santéAteliers de réflexion sur les moyens d’auto-financement des formations sanitaires en complément des allocations étatiques
FINANCEMENT DE LA SANTE
Dépendance aux financements extérieurs influençant les priorités  Auto-financement IndépendancePlaidoyer auprès du gouvernement pour l’augmentation du budget allouer à la santé
Insuffisance d’allocation des ressources de l’Etat  Augmentation de la part de l’état dans le financement de la santéElargir INAM à tous les secteurs d’activités Plaidoyer pour la couverture des soins d’urgence par l’état
Les ménages sont exposés aux dépenses de santéMettre en place l’assurance maladie pour tousPoursuite judiciaire des centres de santé clandestins et ne répondant pas aux normes
SERVICES DE SANTE REACTIFS
Non-respect des normes régissant l’ouverture des centres de santé  Meilleurs contrôles aboutissant aux agréments d’ouverture d’une structure de santé    Faire la cartographie des zones éligibles pour bénéficier d’une formation sanitaireSubventionner les privées établies dans les zones rurale enclavées
Absence de politique d’accompagnement des promoteurs des structures de santé privées désireux de s’installer dans les zones rurales occasionnant une inégales voir une concentration de ces dernières dans les zones urbaineMettre en place un protocole d’accord pour la promotion de l’installation des structures de santé privées en zonz ruraleFormation de base du personnel de santé en épidémiologie et à la recherche scientifique
SYSTEME D’INFORMATION SANITAIRE
Faible exploitation des compétences locales en matière de recherches  Améliorer les compétences en recherche cliniqueCréer une base de données sanitaire  
Système d’information sanitaire peu informatisesMettre en place un système d’information sanitaire électroniqueRéviser la liste nationale des MEG répondant aux besoins des formations sanitairesIdentifier les pays partenairesOrganiser une réunion d’accord et de consensus avec d’autres pays intéressésElaborer le protocole d’accord
SYSTEME D’APPROVISIONNEMENT EN MEG, VACCINS ET TECHNOLOGIES MEDICALES
  Approvisionnement des intrants dépendant de l’extérieur    Développer un réseau de marché sud-sud de production ou d’approvisionnement des MEG  Plaidoyer auprès du gouvernement pour renforcer les capacités de la CAMEG
Faible capacité d’action de la CAMEG  Renforcer les capacités institutionnelle et financière de la CAMEG  Créer un répertoire des prix des médicament enregistrés sur le territoireOrganiser périodiquement des contrôles des prix des médicaments dans les officines et autres points de vente afin de s’assurer du respect des prix à l’enregistrement
Absence d’une politique de réglementation des prix des médicaments lors de l’enregistrementElaborer une procédure claire règlementant les prix de tout médicament nouvellement enregistré de sorte qu’il ne soit pas plus cher que le ou les équivalents préalablement enregistré